En refusant de rehausser leur financement, les gouvernements devront débourser beaucoup plus pour des services de police… nettement inférieurs.

Le service de police de la communauté autochtone de Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean cessera ses activités le 31 mars prochain. Les élus de cette Première Nation ont dû se résigner à cette douloureuse décision, n’ayant plus les moyens financiers de soutenir les déficits récurrents de ce service.

Paradoxalement, il en coûtera substantiellement plus cher aux gouvernements d’assurer un niveau de services analogue. À titre d’exemple, pour prendre le relais dans une communauté, la Sûreté du Québec aurait besoin d’un budget d’opération rehaussé de 40 %.

Dans une rencontre qui se tiendra demain avec le nouveau ministre de la Sécurité publique, le chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, Gilbert Dominique, entend souligner cette absurdité dans le financement public consacré aux services de police autochtones au moment où les événements de Val-d’Or incitent à mieux outiller les communautés aux prises avec des problématiques sociales particulières.

Rappelons que le financement des services de police autochtones au Québec découle d’ententes tripartites signées en vertu du Programme fédéral des services de police des Premières Nations (PSPPN) et qui prévoient un partage des coûts entre le gouvernement fédéral (52 %) et le gouvernement du Québec (48 %), afin d’offrir des services efficaces et adaptés aux particularités culturelles des communautés.

« Il est malheureux que des élus aient été mis au pied du mur pour une question qui aurait pu se régler facilement. Il est clair que beaucoup d’autres communautés sont touchées par le même genre de situation que celle que vit Mashteuiatsh. En cette période trouble où les relations entre les policiers québécois et les membres de nos communautés ont été mises à rude épreuve, la fermeture de nos services de police est inconcevable », a mentionné le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard.

Pour Mashteuiatsh, et malgré des efforts d’efficacité budgétaire, le manque à gagner annuel se chiffre à 300 000 $, soit 156 000 $ du gouvernement fédéral et 144 000 $ du gouvernement provincial. Au fil des années, c’est un déficit cumulé de 2 000 000 $ que doit essuyer la communauté.

« Cette décision défie toute logique. Pour 300 000 $, est-ce que les gouvernements mettront en péril la protection des membres de notre communauté? Non seulement le financement est-il insuffisant et inadéquat, il est aussi discriminatoire. Il est imposé de façon arbitraire et ne permet pas aux membres des communautés de bénéficier d’un service minimal comparable à ce que les autres citoyens reçoivent, contrairement à ce que prévoit la Loi sur la police du Québec. Il est minuit moins cinq. Des solutions s’imposent. Rapidement. », a renchéri le chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, Gilbert Dominique.

Une plainte à la Commission des droits de la personne

Dénonçant le caractère discriminatoire de la situation, le chef Dominique a déposé cette semaine, au nom de sa communauté, une plainte pour discrimination à la Commission canadienne des droits de la personne ainsi qu’à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Dans une cause semblable, ce même Tribunal a reconnu récemment que le gouvernement fédéral a agi de façon discriminatoire et a manqué à son obligation de fournir à des familles autochtones un financement et des services adéquats en matière d’aide à l’enfance, et ce, malgré qu’il connaissait les impacts négatifs de son programme.

« Nous sommes placés devant une situation désolante et qui aurait pu être évitée. Depuis plusieurs années, nous tentons de faire valoir nos arguments sur la pertinence de nos demandes, mais nous sommes sans cesse confrontés à devoir signer des ententes insatisfaisantes », a conclu le responsable du dossier de la police à l'APNQL, le chef Terence McBride.

Le service de police de Mashteuiatsh emploie 13 personnes dont 11 policiers et est doté d’un budget annuel de 1 200 000 $ pour 2015-2016, alors que les besoins sont de 1 500 000 $. Les coûts pour assurer le même service par la Sûreté du Québec risquent d’être substantiellement plus élevés. D’ailleurs, le gouvernement fédéral n’a jamais précisé la méthode de calcul servant à déterminer le budget imparti pour chaque service de police autochtone.